jeudi 17 janvier 2008

La sensibilité endurcie (poème de NAKAGIRI Masao)

Plus la vie qui me reste est courte, plus je suis irritable.

Ces jours-ci, je suis prompt à la colère.

Le bracelet de ma montre n'est plus serré.

C'est peut-être la preuve que ma sensibilité est endurcie.


Le saké est follement doux désormais.

Sciences et commerces ne sont plus dignes.

Autrefois, c'étaient les capitalistes qui serraient le cou des ouvriers,

Aujourd'hui, chacun s'étrangle comme il veut.


Pas mal de jeunes croient qu'eux seuls ont raison.

Pas mal de profs font le clin d'oeil aux étudiants comme des geishas.

Les critiques de deuxième rang n'épargnent pas de compliments

Même aux poètes qui ne fabriquent que de belles images.


Tant qu'il y a des gens qui meurent de guerre et de faim,

Je ne suivrai jamais la voie de l'élégance.


Poème de NAKAGIRI Masao (1919-1983), poète japonais, traduit par moi.

Nakagiri a notamment traduit W.H. Auden en japonais.

"La sensibilité endurcie" n'est pas du tout son meilleur poème, souvent omis de recueil, mais beaucoup d'amateurs de poèmes apprécient ce murmure amer d'un poète déçu.

La "voie de l'élégance" fait référence à Basho (1644-1694), le poète le plus connu du haïku, "épigramme élégant".

Le mot de Basho pour l'élégance est fûga en japonais. Nakagiri pense que c'est une "fuite" de la réalité, même si je ne sais s'il était conscient de ce jeu de mots latent.

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